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INTRODUCTION.




Il n’y a point de peuple moderne qui puisse être bien venu à reprocher aux Latins leur imitation presque servile de la littérature et des arts de la Grèce. Nous avons tous fait la même faute, si c’en est une, ou nous avons subi les mêmes conditions de l’existence humaine, si c’est une loi fatale pour les peuples nouveaux de traduire en leurs langues et d’approprier à leurs époques les monumens des littératures antérieures. Sous ce rapport même nous sommes en quelque sorte plus étonnans que les premiers imitateurs de la Grèce. Depuis l’âge de Thésée jusqu’au siècle d’Auguste, aucun principe nouveau n’avait été mis dans le monde ; Rome adorait les mêmes dieux qu’Athènes, et lorsque, après avoir achevé son œuvre de guerre et de conquête, elle voulut recueillir aussi l’héritage intellectuel des peuples vaincus, rien ne s’opposait à ce qu’un théâtre païen prît place dans la ville éternelle à côté des temples païens. Nous, au contraire, nous sommes tombés dans cette contradiction remarquable, d’être chrétiens à la messe et païens à l’Opéra, comme l’a dit Voltaire. Nous aussi nous nous sommes parés des dépouilles du paganisme vaincu : la même puissance qui avait plié le génie