Page:Sénèque - Tragédies de Sénèque, trad Greslou, ed 1863.djvu/50

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ment obscurci de tenèbres : on y trouve encore quelques rayons de la lumière qu’on a laissée derrière soi, et les pâles reflets d’un soleil douteux qui trompe la vue. C’est un demi-jour semblable au crépuscule du matin ou du soir. A partir de là se déroulent des espaces infinis où doit se perdre toute race humaine. Il n’est pas difficile d’v pénétrer : la route elle-même vous conduit. De même que la tempête emporte quelquefois malgré eux les navigateurs, il y a là un courant d’air qui vous entraîne ; l’avide Chaos vous attire, les ténèbres vous enveloppent, et ne vous permettent plus de revenir sur vos pas.

Au centre de ce vaste abîme coule l’onde paisible du Léthé qui porte avec elle l’oubli des maux. Pour fermer tout retour, il étend ses nombreux replis, comme le capricieux Méandre qui semble tantôt se chercher, tantôt se fuir lui-même, incertain s’il doit descendre à la mer, ou remonter vers sa source. Plus loin s’étendent les eaux dormantes de l’affreux Cocyte. On n’entend là que les cris sinistres du vautour et les funestes présages du hibou et de l’orfraie. Là s’élèvent d’épais et sombres bocages que domine un cyprès. Sous son ombrage se tient le Sommeil paresseux, la triste Faim à la bouche béante, le Remords qui se voile pour dérober sa honte, la Peur, l’Épouvante, le Deuil, la Douleur frémissante, le noir Chagrin, la Maladie tremblante, et la Guerre