Page:Sénac de Meilhan - L'Émigré, Tome 3.djvu/69

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Le nombre prodigieux des Français malheureux dispersés dans toute l’Europe, émoussera bientôt aussi la sensibilité, et déjà j’ai vu quelque chose de plus que l’indifférence, j’ai entendu railler de leur misère, et plaisanter ceux qui étaient touchés de leur triste situation. Il n’y a pas longtemps qu’une femme, entendant parler d’une personne de sa connaissance qui avait généreusement donné asile à un Émigré : il devient, dit-elle, du bon air d’avoir dans sa maison un Émigré, comme autrefois des coureurs et des héduques. Que dites-vous de ce sot propos ? pour moi je me brouillerais avec une femme capable d’une aussi plate raillerie, propre à refroidir l’intérêt qu’excite le malheur, et surtout celui qui a pour principe l’honneur et la fidélité. Le Marquis n’est pas venu ici depuis trois jours ; il m’a