Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/230

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
nérer. Inspiré par le sentiment du beau, de l’heureux, du
convenable, de l’ordonné, du sublime, son esprit est

375

harmonique, son cœur droit, son génie vaste, son ame
indépendante ; il donne à tous ses sentimens l’empreinte d’une

[274]

bienveillance univer|selle, à toutes ses actions celle de la
grandeur ; il porte, dans tout ce qu’il juge, une lumière
simple et nouvelle ; et dans tout ce qu’il opère, un caractère

380

profond de simplicité originale, et de cette perfection
naturelle qui donne tout à la nécessité des lois
primitives, rien aux systèmes secondaires, à l’opinion
accidentelle.
Sans une grande érudition, il éclaire en un jour les

385 [275]

questions difficiles qu’agitent les savans | vieillis dans les
recherches. Sans une grande mémoire des mots, il ne
perd jamais le résultat des choses qu’il a vu, qu’il a connu.
Sa diction est noble, son éloquence négligée, mâle,
énergique, tonnante. Indifférent, vulgaire, peut-être foible,

390

dans tout ce qui n’est pas digne de sa grande ame, il
retrouve la force, la persuasion, tout le calme de
l’impassibilité, et toute la fermeté d’un enthousiasme raisonné,
dès que l’importance des objets le place dans sa sphère
d’activité.

395

S’il étudie la nature dans sa totalité, il trouve une grandeur
unique, nécessaire, une profondeur impénétrable [S 1] ;
s’il descend à ses vues particulières, il la trouve plus
intelligible dans l’homme, et il en pénètre assez pour
ordonner cet être isolé selon l’ensemble des êtres ; s’il

400

cherche les lois immuables du grand être dans les choses
extérieures, ce n’est plus la voix intérieure qui le guide,
c’est le doute du sage qui l’empêche de se livrer à l’erreur.
  1. Les raisons de cette impénétrabilité absolue ne me semblent
    nullement inaccessibles je les exposerai ailleurs, afin d’établir
    d’une manière sensible l’évidence que je crois y trouver.