Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/78

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

[78]

QUATRIÈME RÊVERIE


De la disposition et du cours de nos fluides, de  l’habitude
de nos organes, dépendent absolument les manières
souvent opposées, dont les mêmes objets nous affectent en

5

des tems différens. Notre bonheur, notre malheur sont
déterminés par les causes intérieures plus encore que par
l’influence actuelle des objets étrangers. Souvent des
impressions agréables reçues du dehors, nous ont préparé
des années de tristesse, et des impressions présentement

10

pénibles, seront la source d’un bien-être durable. Le plus
sûr, le plus grand, le plus vrai de nos biens est cet heureux
équilibre de nos forces motrices, cette harmonie générale [S 1]

[79]

qui fait la santé parfaite. Cette harmonie con|servée [S 2]
troublée, ou rétablie, fait nos goûts ou notre indif-

[JM 1]

  1. Que ne connoissent jamais ceux qui ont abusé des jouissances
    de l’art, et bien rarement même ceux qui en ont usé
    quoique modérément.
  2. L’altération perpétuelle, qui fait de notre vie une succession
    continue de pertes et de réparations, n’est pas une interruption de
    cette harmonie ; elle en est au contraire une partie indispensable.
    La santé, la vie elle-même n’est autre chose que ce cercle de
    5
    mutations régulières ; et la vie morale n’en est que le sentiment.
    L’épuisement ou la surabondance fait nos besoins et nos desirs ;
  1. C, XIIIe Rêv., p. 81-85 = l. 10-74 et notes 1-3. – 10-1. Le plus sûr, le plus vrai — 11-3. est l’heureux équilibre des forces motrices, la santé parfaite – N. 1, l. 1. mais elle n’est plus connue de ceux qui – 2. et elle l’est bien rarement de ceux – modérément. – 13-5. Cette harmonie qu’il est presque impossible de conserver dans la dépendance, cette harmonie maintenue, troublée – fait notre indifférence ou nos goûts,