Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 2.djvu/189

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Le célèbre Jefferson disoit dernièrement, en parlant des
obstacles à la civilisation chez les Indiens [1] : « Les efforts
que nous avons tentés, pour les éclairer, ont été combattus
jusqu’ici par les habitudes, l’ignorance, les préjugés
et l’orgueil de ceux qui sont intéressés à les tenir dans
cet état sauvage, de peur de perdre leur crédit s’ils en
sortoient. Ces gens leur donnent un respect religieux
pour les coutumes de leurs ancêtres, leur persuadant
que la raison est un guide trompeur, une innovation
dangereuse, que leur devoir est de rester tels que le
créateur les a formés, l’ignorance étant une voie de
salut, et la science une source de dangers. Enfin ces
peuples ont aussi leurs anti-philosophes qui sont
intéressés à les tenir dans cet état sauvage, qui craignent
une réforme, et qui usent de tous leurs moyens pour
déconcerter les efforts que nous faisons pour les
civiliser. »
Telle est la pensée des véritables hommes d’état, sur
l’accroissement des lumières, sur l’utilité de la clarté dans

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les idées, et d’une doctrine dont les | principes vrais,
puissent être reconnus dans tous les temps.
Quelques hommes s’étoient trop facilement persuadés
qu’un Gouvernement assez puissant pour suivre une
politique sage et pour choisir les moyens de perpétuer une
grande puissance, iroit épouser les terreurs d’un pouvoir
mal assuré, chercher avec passion l’assistance des plus
frêles appuis, et repousser, comme ceux dont les tenèbres
protègent les manœuvres, cette lumière qui doit au con-


    dormez-vous. Il ne sait ce qu’il dit, mais, par hasard, il a rencontré
    l’instant ; on le trouve ingénieux, il a raison sans doute : on lui jette un
    biscuit, et l’on referme avec mollesse les yeux encore habitués aux
    ténèbres. Il criera toujours, Rendormez-vous.

  1. Séance du 4 mars 1805.