Aller au contenu

Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/102

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
joie plus vive, plus animée, l’on détruit à jamais en soi
l’aptitude au bonheur [S 1].

[108]

Rien n’est beau hors de sa destination ; le bonheur de

70

l’être actif n’est que dans son activité. Le travail corporel
et l’élévation de la pensée, sont les seuls moyens réels de
soutenir ou de rappeler l’énergie qui console, utilise et
embellit la vie ; eux seuls sont sûrs, féconds, durables ;
eux seuls maintiennent la vraie santé, emploient et

75

prolongent nos jours, conservent nos goûts, nos desirs,
effacent nos regrets, et dissipent nos pensers amers ; ils
rendent la vie heureuse même sans plaisirs ; ils font bien
plus qu’eux, ils la font aimer.
Homme inconsidéré, tu t’es refusé à l’activité nécessaire ;

80

homme abusé, tu as dédaigné le paisible sentiment



[JM 1]

  1. C’est à ces sources trompeuses d’un plaisir vain et destructeur,
    et plus particulièrement sans doute aux boissons théïformes,
    que nous devons ces affections nerveuses, ces maladies de
    langueur et de consomption, malheur d’une portion du globe. Les
    5
    nerfs dépouillés du sorte de revêtement qui peut-être les nourrit,
    du moins les maintient et les protège, contractent une habitude
    d’irritabilité qui fait le malheur d’une vie languissante, foible,
    pusillanime, lassée de toutes choses et d’elle-même. Quel état
    plus pénible que l’agitation dans l’épuisement, et la sensibilité
    10
    dans la langueur ; que d’être toujours mu sans pouvoir presque
    se mouvoir soi-même ; que d’être toujours dépendant, toujours
    impuissant, et d’avoir perdu, jeune encore, les moteurs de la
    vie.

    toujours en soi – 68. bonheur, si l’on cherche à substituer souvent une joie plus vive et plus animée, à ce sentiment d’une jouissance tranquille.

  1. C, XVIe Rév., p. 103-104 = l. 69-90. – 70. l’activité – 71. corporel, ou l’élévation – 72. soutenir et de – 72-3. console ou qui embellit la vie. Ce sont les seuls moyens sûrs – 73-4. durables : ils maintiennent – 74. santé ; ils employent – 75-80. jours ; ils conservent nos goûts et nos désirs, ils effacent nos regrets, ils dissipent les pensées amères ; ils remplacent les plaisirs, et, plus féconds que les plaisirs ne le seroient jamais, ils font aimer la vie. *Séduit par des prétentions inconsidérées, l’homme s’est refusé au genre d’activité convenable à son impuissance ; il a dédaigné – 80-2. sentiment de bien-être ; seule volupté habituelle-