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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/113

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mens ; rarement, à la vérité, plus dangereuse que les

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principes qu’elle détruit, elle est du moins souvent inutile.
Si l’on s’arrête dans cette route du vrai ; si l’on veut
ménager en soi-même certains préjugés, et conserver certaines
passions ; ou si donnant la philosophie elle-même
pour objet à ces passions et à ces préjugés, on se met à la

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vénérer avec une sorte d’enthousiasme [S 1] religieux qui
empêche d’approfondir, et qui substitue bientôt aux préventions
des hommes irréfléchis des préventions non moins
illusoires, et au fanatisme vulgaire le fanatisme d’une
fausse sagesse ; il arrivera enfin que, plus froids ou moins

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aveugles, on sera forcé de dire un jour avec

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découra|gement [S 2], la philosophie elle-même m’a trompé.
  1. Cette séduction réservée en quelque sorte aux grandes ames,
    abusa la plupart des premiers génies de l’antiquité. Elle est
    généreuse et magnanime ; elle s’appuie sur de grands noms, et plus
    encore sur de grandes vertus ; mais nul prestige n’en doit imposer
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    à qui cherche la seule vérité.
  2. Et ce malheur individuel de corrompre en soi jusqu’aux
    moyens mêmes d’amélioration, produira cette calamité publique
    d’accuser, d’abandonner, de mépriser la recherche du vrai, le
    choix des principes, les vertus raisonnées, tout bien systématique,
    5
    toutes voies de régénération.

    plupart n’y trouveroient qu’une voie – 189-191. égaremens, et si elle n’étoit pas dangereuse pour eux, du moins elle leur seroit inutile. *La sagesse convient à tous, mais en un sens seulement. Sans la sagesse il ne peut y avoir que des institutions fausses et des usages erronés ; ainsi la sagesse convient aux peuples. Mais la sagesse individuelle est le partage d’un petit nombre ; quand les autres veulent imiter les sages, ils ne sont que les singes de la philosophie. *Si l’on est de caractère à s’arrêter dans – 191-201. vrai, s’il est des préjugés sur lesquels on ne veuille rien décider et des passions que l’on veuille ménager, si l’on donne à ces passions ou à ces préjugés la philosophie même pour objet, si on la vénère avec enthousiasme, si on s’y livre avec fanatisme, si l’on s’avise d’en attendre ce qu’elle ne peut donner, un jour viendra où l’on sera forcé de dire avec – Note 9, l. 1-2. Cet enthousiasme dont peut-être une belle ame est seule susceptible, abusa plusieurs des génies célèbres de l’antiquité. Cette sorte de passion est – 3-4. et sur de – 4. vertus ; néanmoins ne l’approuvons pas, nul prestige ne doit en imposer – 5. la vérité seule. – Note 10, l. 1. *Ce malheur – 5. et toute