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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/114

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La vraie philosophie ne peut ni tromper ni affliger.
Seule voie actuelle de vérité et de bonheur, elle est à la
fois et le plus doux et le plus puissant modérateur de la

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vie ; mais ne pensons pas qu’elle puisse être elle-même



[JM 1]

    Ainsi jugeant les principes les plus purs par leur application
    fausse ou perfide ; les moyens les plus convenables à l’homme
    de bien par les résultats accidentels qu’en ont tiré ceux qui
    abusent de tout ; la raison la plus détrompée selon les
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    conséquences déduites par des hommes prévenus ou insensés ; et ce
    qu’il y a de plus grand et de plus inviolable parmi les mortels,
    par l’usage insidieux et profane qu’en font les plus vils et les plus
    déhontés des méchans ; transportant cette plante superbe et féconde
    dans une terre épuisée, ou prodiguant ces alimens généreux à des
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    estomacs dévorés de levains putrides et corrupteurs, l’on en vient
    à ce point de découragement et de démence de dire enfin : les
    hommes seront toujours ce qu’ils sont maintenant ; toute législation
    philosophique est impossible, puisqu’elle n’est pas effectuée ;
    l’on ne pourra nulle part ce qu’en vain l’on a tenté ici. L’indication
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    de la nature et la perfection humaine consistent évidemment
    à avoir de mauvaises lois effectives, fondées sur de savantes
    abstractions, à déclamer contre cent crimes imaginaires, en honorant
    cent fléaux réels ; à livrer tout au hasard, à l’intrigue et à
    l’insatiabilité individuelle, sous les noms fastueux d’ordre, de but
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    politique, de bien public ; à poser dans la région de l’idéal le
    niveau de l’égalité au-dessus de la pompe des voluptueux et de
    l’abandon des mendians, en pressant le char audacieux de l’égoïste
    et du scélérat triomphateur, sur les débris dédaignés du patriote
    sacrifié et des génies opprimés.

    voie de régénération. Parce que quelques hommes vulgaires auront bavardé philosophiquement, d’autres bavards viendront ensuite qui, le front précautionné contre toute pudeur, oseront dire que la sagesse est le fléau des nations. — 6. *Ainsi – par des applications fausses ou perfides, – 9-10. de tout, et ce – 12-5. vils des méchans ou des insensés, l’on en vient – 19. tenté parmi nous. Ainsi l’indication – 20-1. consistent à suivre de – 21-2. sur une longue routine, à déclamer – 25-7. public, à parler d’égalité parmi les voluptueux et les mendians, en poussant le char – 28-9. et du triomphateur sur les débris des générations opprimées !

  1. C, XIIeRêv., p. 78-79 = l. 202-215 et note 11. – 202-3. philosophie est la seule – 203-4. est le plus doux comme le plus grand modérateur – 205-7. pas que rien d’humain puisse être absolument exempt