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- volupté. Les fleurs les plus vantées ne valent point la
- violette si simple, elle fait oublier tout leur éclat, elle
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- attache plus que la Rose elle-même. La rose est comme
- le plaisir, son charme est le délire d’un moment ; celui
- de la violette, plus profond et plus mystérieux, pénétre
- doucement le cœur que la rose agite. La rose commande
- le plaisir, elle convient à la joie, elle peut fleurir dans nos
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- jardins. La violette inspire de paisibles délices, elle appartient
- au bonheur ; ne la cherchez que dans les prés inclinés
- au midi, au pied des bois, près du libre cours des
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- eaux. La rose est connue des voluptueux, | la violette est
- chérie du sage ! elle semble partager le sentiment des
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- hommes bons et toute la mélancolie des cœurs aimans ;
- elle est par-tout où peut jouir un homme sensible, elle
- embellit les asiles qu’il aime ; elle choisit les sites heureux ;
- elle fleurit dans les jours du sentiment, et fait leurs
- délices les plus indicibles. Elle s’épanouit aux beaux jours
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- comme les cœurs simples ; comme eux, elle promet peu
- et donne beaucoup. Loin des lieux découverts, elle se
- plaît dans un asile commode et inconnu : elle ne se
- montre qu’à ceux qui la cherchent ; elle se cache même,
- mais on la devine au loin par le sentiment qu’elle exhale.
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- Même dans le mois des frimats, la voici fleurie et odorante
- sous ces buissons épineux que l’hiver a flétri. Nulle
- main d’homme n’a marqué pour son séjour ce lieu si
- propre à son charme pastoral mais en suivant les pentes
- et les aspects favorables, elle s’est approchée et s’est étendue
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- jusqu’ici : puis abandonnant les terres où l’on cherchoit
- à la retenir, elle semble n’avoir voulu se perpétuer
- que dans cette heureuse solitude. Nul site dans toute la
- contrée n’inspire un intérêt si durable que ce vallon ignoré
- dans le sein de la forêt. Sa prairie inclinée s’y creuse avec
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- une grâce | indéfinissable : élevant ses bords irréguliers