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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/130

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NEUVIÈME RÊVERIE

Malgré le joug des lois et l’effort plus puissant de la
morale, la terre est universellement affligée par les vices
de l’homme et les erreurs perpétuées par ces vices [S 1] : on

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en a conclu que l’homme étoit né méchant ; d’autres ont
dit, la nature ne peut avoir fait un être mauvais, et la
dépravation de l’espèce ne peut se communiquer à l’individu
avant sa naissance [S 2]. L’homme naît donc bon. Ces

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deux opinions ont pour base une | même erreur, et c’est

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sur un fondement si faux que l’on établit la morale des
sociétés, et que l’on éternise les misères humaines.
On est surpris d’abord que la seule science, utile à
l’homme, soit encore à naître, tandis qu’il a poussé tant
d’autres connoissances inutiles ou funestes, et qui ne

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méritent que le nom d’arts, jusqu’à un point d’élévation
ou de subtilité, d’industrie et d’érudition, qui sembloit
inaccessible à nos cinq sens et à notre vie de moins d’un
siècle. N’auroit-on pu s’attacher avant tout à distinguer
les vrais besoins de l’homme, et à connoître la nature de


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  1. Mais qui originairement ont seules produit les vices réels.
  2. Assertion très-hasardée il paroît évident (surtout dans les
    espèces vivipares) que le petit doit participer aux altérations survenues
    à la nature de la mère. Si donc on pouvoit dire de l’homme
    qu’il naît méchant, cela ne prouveroit point que la nature l’ait
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    fait tel.
  1. C, XXe Rêv., p. 124-126 = l. 14-46. 14-5. Nous sommes parvenus, dans des
    connoissances – funestes, à un point – 16. et de subtilité, – 16-7. érudition qu’on eût pu croire inaccessible – 18-33. siècle. Mais