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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/185

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deux ames unies au corps humain. Une seule rend raison
de ce double produit, dans les divers rapports de son
union avec la matière moins subtile, que nous nommons
le corps. Ne perdons pas de vue que la sensation et la

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pensée ne sont que des effets, et que, même s’ils différoient
absolument, ils pourroient néanmoins être produits
par diverses combinaisons des mêmes principes.
Supposons que tout composé organisé et même tout être,
car sans doute l’atôme élémentaire n’existe nulle part seul,

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soit formé de proportions et de combinaisons différentes
de la matière indifférente unie à la matière essentiellement
active [S 1] ; alors, dans l’homme, la matière indifférente opère

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passivement les | mouvemens [S 2] communs à tous les corps,
comme la circulation de nos fluides et tous ceux que

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nous ne commandons pas, que nous ne sentons même pas.
L’action de la matière indifférente sur la matière active,
sur le feu principe qui anime l’homme, produira en lui
les sensations que ses organes lui transmettent du dehors.
Le mouvement propre du principe essentiellement

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actif qui est en nous produira la pensée ; et l’action
  1. La première antiquité reconnoissoit deux principes, l’un inactif,
    l’autre actif. Les Chinois ont encore la matière en repos et
    le mouvement qui la modifie. L’absence du feu fixe et durcit
    les corps ; sa présence les agite, les liquéfie, les volatilise. Son
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    absence absolue produiroit apparemment un repos absolu, une
    mort totale, etc. Le dogme universel des deux principes, devenu
    moral et même théologique, n’est qu’une conséquence plus
    moderne, une des altérations diverses de ce premier système
    ontologique des deux élémens principes. On retrouve par-tout
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    dans l’antique Orient des traces irrécusables de cette doctrine du
    peuple antérieur, qui paroît avoir instruit l’Orient lui-même dans
    les tems primitifs.
  2. Cette matière, indifférente au mouvement ou au repos, se
    peut mouvoir cependant sans une action présente de la matière
    active, par la continuation du mouvement imprimé, par les
    incalculables suites ou réactions d’une action première, ou d’une
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    multitude d’actions combinées actuellement ou successivement.