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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/190

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la voir renaître en l’augmentant même par l’invraisemblance
d’une supposition purement gratuite, que rien n’indique
dans la nature, qui n’est évidemment produite que par le

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desir de conserver l’opinion de l’immortalité, et qui
multiplie en vain les moyens de la nature, en réunissant trois
substances pour faire l’homme seul, tandis que deux (qui
ne sont proprement que deux modifications différentes
d’une même substance) expliquent tout l’univers ; et que

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nous voyons tout s’opérer par la réunion et la combinaison
de deux contraires, et jamais de trois moyens
élémentaires.
Si l’ame étoit une substance distincte et simple, nous
ne pourrions penser et sentir à la fois ; desirer une chose,

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en redouter une autre ; résoudre un problème en savourant
un parfum ; jouir à la fois par un sens et souffrir par
un autre ; mais, dans l’hypothèse présente, tout cela
s’explique naturellement, et sans distinguer deux ames par la
diversité d’action des deux principes.

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Cette unité de sentiment et de pensée, dont on prétend
déduire l’indivisibilité du principe qui sent et pense, afin
de prouver par là sa spiritualité et son immortalité ; cette

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unité, | dis-je, me paroît être seulement une unité
d’ensemble ; ce moi distingue du reste du monde le tout que

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composent les diverses parties de mon être. Mon ame avec
ses diverses sensations est une, mais non simple, comme
mon corps avec ses diverses parties et ses divers organes
est un, quoique composé. L’unité de ma pensée n’est que
l’unité de ma faculté de penser ; elle n’est point divisible

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parce qu’une faculté, un attribut n’est pas un être réel et
divisible. Ma pensée est formée de plusieurs parties qui
ne forment qu’une pensée, comme la forme de mon corps
réunit les formes de ses diverses parties, et n’est cependant
qu’une seule forme ; et cette réponse est si simple,