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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/191

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que l’on sera tenté de répliquer : ce n’est pas cela que
nous contestons ; mais que contestez-vous donc [S 1] ?

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Si je voulois affirmer ce simple doute, je | combattrois
toutes les absurdités qu’il faut dévorer dans
le préjugé contraire que l’on ne craint point d’affirmer.

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Je demanderois comment l’ame immatérielle agit sur
le corps ? comment elle est dans l’étendue ? comment
elle se modifie en couleur, en son, en odeur ? Je
demanderois ce qu’étoit avant la formation de l’homme
corporel, cet être réel à part, ce pur esprit simple ; à quel

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moment et par quel moyen il s’unit à lui ? Je demanderois
où il étoit avant la formation du fœtus ? S’il existoit
avant, je demanderois pourquoi il existoit avant, en quel
lieu il attendoit ? ou, s’il n’étoit dans aucun lieu, comment
il est maintenant dans un corps ? Je demanderois

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s’il se connoissoît lui-même, et alors comment il se fait
qu’il n’en ait aucun souvenir ? ou s’il s’ignoroit, et alors
quelle est l’existence d’un être essentiellement pensant et

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sentant, qui pourtant | ne sent ni ne pense ? S’il n’existoit
point avant la formation du corps, je demanderois comment

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a pu commencer cet être simple ? et, s’il a pu
commencer, pourquoi il ne sauroit finir ? si l’idée de son indes-
  1. Si je m’arrête à cette hypothèse, ce n’est pas dans le
    dessein d’ajouter un système à nos nombreux systèmes, de les
    modifier, ou de les concilier ; mais pour nous apprendre à douter ; pour
    prouver l’incertitude que nous ne pouvons éviter sur l’organisation
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    primitive des choses ; pour nous rendre indifférens sur ce que
    nous ne pouvons connoître, et nous ramener de nos dogmes
    inutiles ou erronés, à la morale naturelle, qui seule nous importe,
    qui seule peut être certaine ; pour nous convaincre que l’homme,
    né pour sentir toujours et raisonner très-peu, est destiné à être
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    heureux et non savant ; pour nous conduire à ce grand principe,
    que l’on pourroit instituer un peuple bon sans nos connoissances
    vaines.
    Les faiseurs de systèmes n’ont pas toujours donné à leurs
    hypothèses le titre de rêveries.