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QUATORZIÈME RÊVERIE
- Je ne vois pas un homme possédant ses facultés naturelles,
- jouissant d’une santé robuste et de la liberté physique,
- que je ne me demande par quelle étrange foiblesse
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- un tel homme peut être malheureux ou dépendant ?
- Misérables esclaves de nos moyens mêmes et d’activité
- d’indépendance, nous donnons, par nos passions
- extensives, tant de prise sur nous et aux hommes et aux
- événemens que pour satisfaire nos desirs inconsidérés, nous
- un tel homme peut être malheureux ou dépendant ?
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- consumons notre vie entière à les combattre, à
- combattre notre indépendance même, à briser l’instrument de
- notre liberté en rivant les chaînes qu’il devoit rompre.
- Ainsi, là où il y a plus de différence dans les destinées
- individuelles, plus de penchans divers, plus d’industrie,
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- plus d’objets de nos desirs, plus de besoins d’opinions ; là
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- l’homme a moins d’énergie et d’indépendance ; là tout | est
- factice, maniéré, frivole, restreint à force d’être contre-
- balancé, et confus à force d’être compliqué ; là il y a de
- la douceur sans générosité, de la vanité sans grandeur,
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- de la morale sans vertu, des habitudes et point de mœurs,
- de la dévotion et point d’esprit religieux, une conduite
- honnête sans droiture, de l’ostentation sans magnanimité,
- sans valeur, sans fermeté ; là il y a des hommes célèbres
- sans caractère, et à des choses petites et vaines, un masque
- ↑
- C, XIXe Rêv., p. 122 sq. = l. 13-38. – 15. des desirs – 18. contre-
- balancé, confus – là on voit de – 19-20. grandeur, des habitudes –