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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/214

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Je le dirai sans cesse, je le dirai vainement ; mais je ne

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me lasserai pas de le redire ; laissons | ces biens
corrupteurs, notre grandeur ridicule, nos progrès funestes ;
retournons vers cet état naturel à notre être, qui diffère de la férocité
des tems sauvages, et bien plus encore de la déviation

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de nos arts subtilisés et de nos mœurs énervées.
Combien de siècles encore les sophismes de l’oppression
abuseront-ils les hommes, et les préventions
inconsidérées feront-elles repousser avec dédain des
vérités éternelles, que la nature prouve ; et que la raison

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séduite ne pouvant condamner, met au rang de beau
romanesque ?
Tout est lié dans l’ordre social, dans l’ordre moral,
dans l’ordre physique. La plus funeste des erreurs est
celle qui éternise le mal en persuadant qu’il est inévitable.

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Les fruits désastreux de la perfectibilité s’accumuleront,
les yeux s’ouvriront enfin sur l’avenir plus sinistre
encore ; par l’expérience de ses misères l’homme apprendra
quels sont ses biens. Cette révolution générale des
choses exigera l’accord universel de tout ce qui compose

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l’ordre social. Les meilleures institutions que l’on établiroit
en négligeant celles qui les doivent soutenir, ne
seroient que des réglemens d’un jour. Cependant les
hommes jetés dans le moule commun, ces vrais enfans

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de notre siècle, eni|vrés d’esprit et privés d’ame ; pour

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qui l’usage est la loi irrévocable ; qui voient dans le
monde comme il va, le monde comme il doit aller ; que
tout mouvement alarme ; que toute grande chose étonne ;

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  1. C, XIXre Rév., p. 118 sq. = l. 108-141 (avec interversion des lignes 128-9 et
    129-31). – 108-9. La plus déplorable des erreurs seroit celle qui éterniseroit le mal – 110-2. Quand la fatigante surabondance des résultats de la perfectibiiité sera enfin connue, les yeux s’ouvriront ; par – 3-7. quels pourroient être ses biens. *Cependant – 118. moule européen, ces – 119. du