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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/222

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sionne pour la sagesse, sachant qu’elle seule mérite
d’être aimée ; mais nous, nous ne pouvons rien aimer,
parce que nous sentons que la sagesse elle-même est
vanité : il se soutient avec énergie, parce qu’il s’estime
lui-même ; mais nous, nous foiblissons, parce que nous

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ne pensons pas que ce soit la peine de faire effort pour
rester tels que nous nous proposerions d’être : il est
invincible par la conscience de ses succès passés, il est
libre parce qu’il peut tout braver ; pour nous, la crainte
et la dépendance habituelle ont perpétué notre abaissement ;

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et nous ne pouvons rien, parce que nous pensons
ne rien pouvoir.
L’ame, et j’entends par-là toute la partie intérieure de
notre être, s’alimente de ses sensations et de ses pensées,
et se modifie selon les objets sur lesquels elle s’exerce ;

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comme le corps participe sensiblement à la nature des
fruits dont il se nourrit, et s’altère ou se perfectionne
selon l’habitude de ses travaux. Les occupations qui
nous attachent à un intérêt trop limité, aux soins, à
l’attention des petites choses, rétrécissent l’esprit, énervent

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la pensée. L’habitude de ramper ainsi, semble | interdire
tout ce qui est grand. Lorsqu’un certain goût pour ce qui
est bien selon ses rapports, et utile par ses convenances,
goût qui tient à la justesse, je ne dis pas à l’étendue, de
jugement, se trouve joint à un esprit limité par des raisons

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particulières, tandis que par sa nature il eût pu s’élever à
la région moyenne, ils produisent l’esprit d’ordre dans

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  1. C, XVIIe Rév., p. 107-110 = l. 177-248. – 177-9. L’âme se modifie
    – 179-80. s’exerce : c’est ainsi que le – 182-4. occupations dont l’intérêt trop limité nous attache aux soins des – 184-6. et énervent la pensée. L’attention habituelle à ces objets futils, semble interdire toute conception grande. Lorsqu’un – 187-8. bien, pour ce qui est utile, lorsque ce goût – 188. justesse, peut-être même à l’étendue – 189-91. des circonstances particulières, mais qui par sa nature eût pu s’élever davantage, il