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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/235

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montrez vos sujets, et vous dites, voilà les hommes.
Sont-ils donc par-tout semblables ? ou s’ils peuvent

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recevoir tant de formes diverses, n’y a-t-il que les bonnes
qui leur soient refusées ? À la vérité, dites-vous, tous les
peuples diffèrent ; mais cette différence n’est autre qu’une
variation dans le mal même ; et ce que l’on voudroit réformer
est tellement naturel à l’espèce humaine, que par-tout

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l’on trouve à peu près les mêmes choses quoique sous

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d’autres formes. Mais cette mutabilité de l’homme | prouve
du moins qu’aucune de ces formes accidentelles n’est une
partie constitutive de son être. De plus vous trouverez
existant, quoiqu’isolé, tout ce qu’il faudroit réunir ; vous

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ne trouverez aucun mal qui soit absolument général,
aucun bien dont l’exemple ne soit chez quelque peuple,
et peut-être aucun siècle et aucune contrée qui ne donnent
partiellement la preuve consolante de la possibilité d’une
institution fondée sur la nature ; quoiqu’en effet aucun

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peut-être n’ait produit, dans son, ensemble, ce chef-
d’œuvre d’une sagesse que notre science méprise, et d’une
perfection que nos vertus éloignent. Cette simplicité
primitive des tems antiques n’est, à nos yeux éblouis,
qu’ignorance et grossièreté ; la droiture sans ostentation,

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la bonté qui ignore les vertus factices et les apparences
hypocrites, ne sont qu’un penchant stérile d’une nature
inculte. Rien n’est plus difficile à l’homme, et ne lui
répugne davantage que de rétrograder ; et cela seul explique
comment ce système de perfectibilité a gagné tous les

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politiques et asservi toute la terre. Mais s’il est à toute
chose deux extrêmes, l’un d’imperfection, et l’autre
d’épuisement ; si tout s’altère par trop d’effort, ou trop de

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durée ; | si tout bien n’est jamais qu’un terme moyen
entre la négation et l’abus, cette perfectibilité sera suivie

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de dégénération ; son effort, après nous avoir élevé, doit