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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/251

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Mais, sans s’arrêter à ces suppositions d’une étendue
incommensurable à l’être éphémère que la moisissure du
globe a produit pour ramper entre les tubercules de sa

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surface, voyons du moins ce que notre activité prépare
pour des tems accessibles à nos conceptions. Voyons
froidement ; dépouillons un moment le prestige de nos
rêves, cette illusion de nos esprits en fermentation, et tout
cet industrieux délire, enthousiasme burlesque, dont des

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enfans s’enivrent si plaisamment, et que d’autres enfans
appellent avec respect le génie des grandes choses.
Oui, notre siècle a fait un pas sensible vers la perfection
qu’il cherche. Laissons la liste de ses avantages, il
n’est rien qu’il ignore moins. J’avoue même qu’ils doivent

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s’étendre dans un progrès rapide. Les anciens sentoient,
nous avons vu que cela n’étoit pas dans l’ordre, et nous
raisonnons. Les sensations avoient des bornes
nécessaires ; mais, pour nous, notre marche est illimitée ; qui

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l’arrêteroit ? qui in|terdit à l’homme d’étendre dans des

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régions nouvelles son vaste trafic, gloire et félicité des
nations, et de changer dans les airs son or et ses rubans
pour des porcelaines et de l’opium ? qui lui interdit les
moyens de foudroyer une armée entière par une détonation
dont un enfant lâcheroit l’industrieux ressort ? Ô

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hommes ! ces merveilles, et de plus grandes encore ne
vous sont point impossibles ; mais consultez vos facultés
passives, interrogez cette nature toujours la même ; elle
vous répondra dans tous les tems. Elle répondra à tous
les peuples : mortels inquiets et instantanés vous pourrez

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multiplier dans une extension indéfinie les produits de
vos facultés actives, car alors vous êtes seulement l’occasion,
les forces du globe sont vos moyens ; mais vous
n’ajouterez rien à vos forces passives, là les moyens sont
en vous, ils ne croîtront pas. Mortels trompés, vous