Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/44

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première, parce qu’il n’a pas le sentiment distinct de la

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cause antérieure [S 1].

[JM 1]


  1. Notre volonté ne peut être une cause indépendante ; notre
    action ne peut être une impulsion libre dont le principe soit en
    nous ; mais notre volonté, effet nécessaire de causes précédentes,
    devient cause nécessaire des accidens qui naîtront d’elle, et le
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    mouvement que nous imprimons aux êtres extérieurs nous paroît
    libre, parce que, plusieurs corps étrangers étant de nature à le
    recevoir de nous, nous ignorons la loi non sentie qui nous a forcé
    à vouloir toucher celui-ci et non celui-là. La volonté de faire tel
    mouvement, n’est que le sentiment de la réaction qui part de
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    nous comme la réflexion d’un corps part du corps placé à l’angle
    d’incidence.
    Puisque nous ne pouvons être impassibles, nous ne pouvons
    être inactifs il faut que le mouvement reçu soit rendu : contraints
    à sentir, nous le sommes à vouloir. Nous croirons toujours
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    choisir, vouloir, agir librement, parce que nous ignorerons toujours
    les lois déterminantes dont nos organes n’ont pas le sentiment.
    Moyens occasionnels de réaction, nous ne sommes causes
    que parce que nous sommes effets, nous ne sommes actifs que de
    l’action reçue passivement. Dépendans au-dedans nous n’avons
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    d’empire qu’au-dehors, nous transmettons les lois auxquelles nous
    sommes soumis. Nous pensons qu’elles émanent de nous, parce
    que nous ne les connoissons qu’alors, parce que nous ne sentons
    que quelques accidens de cette perpétuelle oscillation active et
    passive, comme dans celle de nos fluides nous n’avons qu’en
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    certains instans le sentiment de leur circulation.
    Dans l’habitude d’une fortune contraire, l’on est naturellement
    timide et pusillanime ; on est confiant, assuré, téméraire dans un
    cours de succès. Cette audace et cette défiance ne sont pas seulement
    le résultat de nos épreuves ; elles semblent encore pres-

    de liberté, il est difficile de concevoir comment il s’y prendroit pour agir. Ce qui n’est pas encore effectué ne pouvant être connu, il y a du moins une liberté apparente ; quelque principe que l’homme admette comme observateur, il est inévitable qu’il délibère comme agent. – Note 11, l. 1. tout à fait indépendante – 2. l’unique principe – 7. forcés – 18-20. actifs que d’après nos facultés passives ; nous transmettons – 21-2. soumis, et parce que nous ne les connoissons qu’alors, nous pensons qu’elles émanent de nous. Nous ne sentons – 24. comme nous n’avons – 25. de la circulation des fluides qui se fait en nous – 29-30. de cette sorte d’épreuve que nous

  1. A. – Note 11, l. 26-40 manquent.