Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/43

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plus ordinaires. | Cette science seule est utile et vraie ;
tout le reste est vanité, erreur, impénétrabilité.
Eh quand il pourroit connoître la nature entière, quand
il auroit respiré dans l’éther, vécu dans tous les mondes ;
quand il auroit communiqué avec toutes les intelligences,

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senti avec la pierre et pensé avec les soleils, quelle leçon
si desirable recevroit-il de cet univers interprété ? ce seul
mot terrible à l’intelligence avide de durée et d’extension ;
ce mot unique, inutile, désespérant.
Tout produit est aveugle, tout corps est périssable,

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toute chose est indifférente et nécessaire.
Tout choix et toute prudence, tout art ou tout effort,
toute science et toute moralité sont anéantis par ce résultat
de toute étude, par cette interprétation de la nature
universelle, par ce dernier pas de l’intelligence, cette

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unique vérité, TOUT EST NÉCESSAIRE.
Mais s’il n’est qu’une vérité absolue, comme il n’est
qu’un tout universel, les vérités relatives se multiplient
avec les combinaisons des êtres partiels.
S’il n’est pas de choix réel, parce que tout est invinciblement

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déterminé, il est une liberté | apparente, parce
que ce qui n’est pas produit ne peut encore être connu.
Si l’homme, en imprimant un mouvement, n’est jamais
que cause seconde et réactive, il se croit souvent cause


    sont les points désirables. Le reste est étranger à l’homme, ou lui est inaccessible ; il n’y trouvera que vanité, ou impénétrabilité. *Si tout – 309-50. aveugle et tout corps périssable, si toute forme est indifférente, si tout est nécessaire, le choix, la prudence, la moralité, l’effort, l’art sont-ils anéantis ? non peut-être. La valeur de tout cela n’est plus ; mais nous sommes nécessités à employer ces moyens. Il seroit vain de les recommander sans doute : cependant comme il est possible que la nécessité ne détermine pas expressément une chose, mais plusieurs choses entre lesquelles la liberté optera, c’est dans cette hypothèse que l’on agit. Quoiqu’on ne puisse prouver la liberté, on ne sauroit se défendre de l’admettre. Si un homme étoit pleinement convaincu qu’il n’y a pas