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- par écrit, à quelques solitaires qui méditeront assis sur
- les ruines d’une ville que peut-être on bâtira bientôt.
- Encore quelques momens, nous ne serons tous qu’une
- poussière éteinte, et l’on dira : Quand ces animalcules
- étoient en mouvement, ont-ils donc pu mettre beaucoup
- d’orgueil à se choisir pour regarder ensemble leur misère.
- Un livre manque à la terre ; celui de Locke ou celui de
- Cicéron, et même celui de Marc-Aurèle et celui de
- Rousseau n’en forment que quelques pages. Il se peut qu’il
- ait été fait, si toutefois la vie d’un homme suffit pour le
- faire imparfaitement : il se peut que le temps l’ait détruit,
- et peut-être assez promptement pour qu’il n’ait produit
- aucun bien. Un seul volume contiendroit les principes
- et les résultats, tout ce qu’il faut aux sociétés humaines.
- Pourquoi donc nul ne s’est-il trouvé pour y consacrer sa
- vie, car, durant une suite de siècles, il y eut des cités
- ou si ce livre a été fait, pourquoi les nations l’ont-elles
- laissé périr ? Ainsi l’homme qui ne peut rien faire de
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- grand, néglige encore d’en|treprendre ou de maintenir
- les choses utiles qui se trouvent entre ses mains. Nous
- nous agitons avec autant de passion que si nos heures
- devoient durer, et nous ne faisons pas même ce qu’il faut
- pour que l’ordre nous soutienne : nous nous attribuons
- l’univers, et nous ne savons pas nous établir sur la terre.
- Que sommes-nous donc avec nos études, nos succès et
- nos désirs, que sommes-nous ? Quel sujet d’étonnement
- et de pitié, que cette disproportion tout-à-fait incalculable,
- entre le monde qui est, et le monde que nous apercevons,
- entre notre monde, et le monde éternel !
- Qu’avons-nous fait depuis cinquante siècles ?
- Attachés sur cet amas arrondi d’une matière froide, et
- fixés là comme une statue sur sa base, nous croyons que
- nos sens terrestres sont la mesure universelle, et que les