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FRAGMENS
Sur deux siècles comparés ; sur la langue, etc. ; sur la
sagesse religieuse et la sagesse naturelle, etc. [1]
- Si l’homme avoit vingt siècles de force et de jeunesse,
- ses projets seroient peut-être moins vastes. Assuré de finir
- quelque chose, il pourroit se borner dans ses entreprises ;
- il aimeroit à en voir le terme ; il diroit : Voici mon
- œuvre, et voici celle de tel autre. Mais comme il ne peut
- rien terminer, il s’essaie de tous côtés ; et, dans le chagrin
- de ne pouvoir consommer aucun ouvrage, il en ébauche
- un grand nombre. Sa mort est si prochaine, qu’il n’ose
- l’envisager : il retranche de sa pensée cette chute qui va
- sitôt terminer sa course, sentant bien que s’il regardoit la
- durée de ses moyens, il n’iroit pas même jusqu’à s’informer
- de ce qui est à faire. Il calcule tout, excepté le temps,
- car c’est le calcul du temps qui feroit son désespoir : ainsi
- cet homme qui passe en peu de jours, embrasse dans ses
- desseins une durée indéfinie. Quand le songe s’arrête, c’est
- avec regret qu’il cesse de projeter, c’est avec surprise
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- qu’il | cesse d’agir ; et parce que rien de ce qu’il vouloit
- et de ce qu’il faisoit n’est achevé quand il finit lui-même,
- il s’efforce de lier son existence au souvenir qu’il pourra
- laisser.
- ↑ Ces fragmens formoient la principale partie d’une longue note appartenant à un endroit du texte qui est supprimé.