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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 2.djvu/178

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d’accepter le | consulat ? Heureusement la noble Émilie
n’étoit pas présente à la scène d’abaissement ; elle n’eût
pas voulu de lui désormais. Cinna trouvant encore plus de
facilités qu’Auguste à oublier ce qui s’est passé, prend
volontiers tout ce qu’on lui donne. Mais précisément
parce que Cinna, après être tombé dans de si grandes
erreurs et y avoir essuyé tant de mépris, a encore le front
d’être consul, il me paroît visible que la clémence d’Auguste
ne peut être, dans un poëte du génie de Corneille,
qu’un acte de politique et même un trait de dissimulation
profonde.
Et quand même Auguste, las de perdre ceux avec qui
il pouvoit jouir de l’habitude des confidences, eût désiré
sincèrement conserver ce Cinna dont l’honneur venoit
d’être détruit, et ce Maxime si vil que j’hésitois à le
nommer, ce désir eût été d’un particulier et non pas du
chef de l’empire. Est-ce aux affections personnelles à
gouverner l’État ? Loin de faire oublier à Rome les
désastres des proscriptions, n’étoit-ce pas en perpétuer
l’opprobre, que de donner des magistratures suprêmes et
une influence sur les destinées du monde à ces deux conjurés
amoureux, dont le moins lâche venoit d’être rabaissé
jusqu’au néant ?
Si cette idée n’est point hasardée, c’est un chef-d’œuvre
de vérité que ce caractère d’Octave, inquiet d’un avenir
sur lequel il faudra tromper les hommes, chargé d’un
passé criminel, et réduit à ce travail importun d’élever

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un simulacre de vertu | dont le colosse égale sa grandeur
usurpée et précède partout sa puissance encore odieuse.
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