Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 2.djvu/187

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tions qui nous semblent trop nouvelles, ne sont-elles pas
descendues dans les ténèbres du passé. L’abîme qui nous
menace sans cesse, enveloppe également tous ceux qui
nous ont précédés : admirons, quelle qu’en soit l’époque,
les traces de lumière qu’ils ont pu laisser.
C’est souvent cette lumière même dont on s’irrite : on
la déprécie en calomniant tous ceux qu’elle éclaira ; elle
importune des yeux dont les regards plus assurés dans
les ténèbres, préfèrent au jour céleste une lucrative
obscurité, où l’on espère faire admirer comme des flambeaux
nécessaires les lueurs équivoques que l’adresse dirige.
Des deux beaux siècles de la France, on préconise le plus

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ancien ; il est plus près des siècles | dociles. Ceux-là, il
seroit difficile d’oser les vanter, mais il seroit si avantageux
d’en rapprocher un peu les esprits !
Cependant, Richelieu dont la politique ne peut être
suspecte, et que l’on n’accusera pas d’avoir voulu faire
prévaloir sur les formes monarchiques d’autres systêmes
trop hasardés dans de grands états, Richelieu fut le
principal instigateur du progrès des lumières. Son génie ne
pouvoit ignorer qu’après s’être arrêté quelque temps à
l’expression, bientôt on s’attacheroit à la pensée, qu’il en
avoit été ainsi chez les anciens, que les modernes feroient
de même, et qu’après le siècle littéraire, qu’il fit naître et
que Louis XIV soutint par des encouragemens, un temps
viendroit où sans négliger les beautés des mots, on
exigeroit plus encore la valeur des choses, et où l’on
joindroit à l’harmonie du langage, la clarté, l’étendue, la force
des pensées. Ce temps vint et manqua des facilités que
Louis XIV avoit su donner. Louis XIV faisoit tout faire ;
il pensoit que s’il y a un centre d’autorité, c’est pour
qu’il y ait un centre d’impulsion, et que si un seul commande,
ce n’est pas pour tout maîtriser ou tout arrêter,