Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 2.djvu/36

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de la matière ? Une conséquence plus vraisemblable de la
comparaison dés idées des songes avec celles de la veille,
c’est que la vue des corps ou des images sensibles n’a
lieu que par analogie, et n’est qu’accidentelle pour
l’intelligence.
On imagine… …une chaîne avilissante (Ob. XXX,
40-51). Lorsque nous comparons… …une longue
distraction (Ibid., 53-58) de la vie primitive.

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Que nous servira-t-il de n’être pas des brutes |
impassibles ? La foule vit en paix, étourdie ou mécontente, mais
tranquille. C’est pour le tourment de nos jours que nous
avons reçu la sensibilité universelle, ce sentiment de tous
les rapports qui place dans nous les vérités morales avant
les vérités effectives, et celles de la pensée avant celles de
l’instinct.
Cet homme dont rien n’arrête les besoins et dont un
jour entraîne les destinées, quelle volonté a-t-il sur notre
terre, qui est le jouet de la fatalité ; quelle science a-t-il
sur la terre sociale, qu’il connoît trop pour la comprendre
jamais ; que cherche-t-il dans un monde où tandis qu’il
cherche, déjà il n’est plus ?
La force invisible allume son génie, et lui montre les
choses, mais dès qu’il veut les étudier, elle l’éteint. Elle
lui dit : Élève-toi, choisis, désire ; demain tu ne seras pas.
Je t’ai formé pour faire, regarde ce qu’il faut, tu ne le feras
pas ; un autre le verra, et il passera ; d’autres le verront,
et ils passeront. Que voudra-t-il donc, et que peut-il
désirer ? qu’y a-t-il pour l’homme resté simple sur la terre
que l’homme a réformée ! qu’y a-t-il ici pour une ame
d’un monde primitif ?
Quelle est cette ombre terrestre qui gémit dans le
moment du plaisir, qui étudie sa misère au milieu des succès,
et s’abreuve d’amertume dans une prospérité qu’elle n’osoit