Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 2.djvu/38

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43). L’ombre de la roche creusée par les siècles s’étend
sur le sable désert : cette attitude immobile semble attendre
un être fugitif, pour lui dire quelle paix les habitudes
solitaires donneroient dans d’heureux asiles. On ne peut, sans
songer à la perpétuelle incertitude où nos cœurs épuisent
sitôt leurs forces, s’arrêter devant cette eau toujours
écoulée et toujours reproduite, que le moindre souffle
agite en ondes prolongées et que bouleversent de
fréquens orages ! L’oiseau libre chante dans les bois dès que
la pluie a cessé : sa voix simple et heureuse redit éloquemment
que les peines de la vie indépendante sont de courte
durée, que la joie y est entière, qu’une branche donne
assez d’abri, et que les richesses de la végétation suffiroient
à l’industrie de l’être vivant.
Des impressions… …une vaste plaine (Ibid., 64-

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70) ; mais vous vous asseyez… | …sable devenu
humide (Ibid., 72-78), ce filet d’eau qui s’échappe des
débris d’une fontaine dont le temps n’a laissé subsister
que ce qui passe sans cesse, et la caverne… …cette
vie générale. (Ibid., 78-94).
Nous nous retrouvons dans tout par nos perceptions
illimitées. Nous nous aimons nous-mêmes dans l’homme

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qui désire, dans l’animal qui sent, | dans l’arbre qui se
déssèche, dans le roc qui vieillit, dans le monde entier
qui subsiste en se modifiant, qui se répare en s’altérant,
qui est plein d’ordre et d’oppositions, qui est senti par
l’intelligence et entraîné par la nécessité.
Et si les heureux songes du beau possible commencent
à s’éloigner de vous, si la longue privation des joies
vertueuses, si la longue preuve du néant des espérances,
affoiblit vos cœurs rebutés d’une attente constamment
inutile ; revenez, pour une heure du moins, à la vie qui
vous appartenoit ; rendez quelque fraîcheur à votre pensée