Page:Séverin - Poèmes ingénus, 1899.djvu/147

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Ces cœurs adolescents s’aiment sans le savoir !
Étrangement heureux, pleins d’obscures alarmes,
Ils respirent partout, dans la beauté du soir,
Comme un pressentiment d’ivresses et de larmes.

Mais d’autres, absorbés en un songe sans fin,
A quoi sert de parler ? Les choses sont si belles !
Parcourent les forêts et l’horizon divin
Comme un livre ineffable entr’ouvert autour d’elles.

Les plus sages, pourtant, les yeux clos à jamais
Au mirage incertain qui trouble leurs sœurs pâles,
Regardent défiler, sous leurs fronts ceints de paix,
Des cortèges muets de formes idéales.

Heureux qui, déjouant l’énigme du destin.
Du songe ou de la vie a préféré le songe ;
Même la pureté de ce ciel enfantin,
Au prix de ses pensers, n’est qu’un divin mensonge !

L’air, vague et lumineux, du calme paradis
Où glissent, deux à deux, ces âmes apaisées,
Fait, dans l’ombre des bois, sur ces sommeils bénis,
Trembler comme un halo la douceur des rosées.