Page:Séverin - Théodore Weustenraad, poète belge, 1914.djvu/132

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Une première fois, le poète démocrate s’adresse aux privilégiés de la fortune et il leur fait voir, dans les émeutes de Lyon et les agitations de l’Irlande, les prodromes d’un bouleversement social. Ce bouleversement, ils peuvent le prévenir par des concessions faites aux prolétaires. L’intérêt bien entendu les leur commande ; mais le poète aime mieux faire appel à leurs sentiments de justice, de fraternité, de piété. (Question, 1838). Quelques années s’écoulent, et les classes dirigeantes paraissent s’endurcir dans leur égoïsme. Le poète revient à la charge et, cette fois, répudiant une naïve sentimentalité, s’adresse uniquement à leur intérêt. Il leur montre, en une allégorie assez banale, le torrent de la démocratie qui grossit de jour en jour et menace de les emporter, avec tous leurs biens, s’ils ne lui creusent un lit plus large et plus profond ; entendez par là, s’ils restent sourds aux revendications populaires, dont la principale a pour objet une extension du droit de suffrage. Par des concessions faites à temps, les « grands » pourront encore écarter l’imminent péril, ils rétabliront la paix sociale, ils affermiront et accroîtront la prospérité du pays. (Démocratie, 1845). Ce poème, écrit d’un style ferme quoique assez vulgaire, porte bien sa date : il reflète fidèlement l’état d’une partie de l’Europe à la veille des mouvements sociaux de 1848. Il est assez curieux que Weustenraad l’ait fait figurer en tête du recueil des Poésies lyriques. Prétendait-il marquer ainsi la note