valeur d’un document historique et permettent d’apprécier le changement qui, en quelques années, s’opéra chez nous dans les esprits. En 1825, le futur chantre de l’indépendance belge était le plus fervent des orangistes. C’est qu’à cette date l’union de la Belgique et de la Hollande sous le sceptre de Guillaume Ier pouvait encore passer pour providentielle. On conçoit que Weustenraad ait célébré en toute sincérité, sur le mode pompeux, l’indépendance et la liberté des Pays-Bas assurées par la victoire de Waterloo. On comprend que, par ce temps d’universelle réaction, il ait vanté sa patrie comme une terre privilégiée où un consciencieux monarque répandait l’instruction, favorisait l’industrie, développait le bien-être général. Car c’était à leur roi, bien plus qu’à leurs libertés consacrées par la Loi fondamentale, que les Pays-Bas affranchis étaient redevables, suivant le poète, de leur prospérité présente. L’éloge du roi Guillaume est si fréquent et si excessif dans ces premières poésies de Weustenraad, qu’on croit y reconnaître la main de Kinker, dont les préférences en matière politique allaient au despotisme éclairé[1].
- ↑ Kinker surveillait le loyalisme de son disciple. Dans un poème sur Waterloo la Liberté personnifiée disait aux Belges : Knielt voor de Wet alleen, niet voor den Koning neder ; (agenouillez-vous seulement devant la Loi, et non devant le Roi). Une note marginale, d’une écriture étrangère, celle de Kinker probablement, corrige comme suit : Knielt met uw koning voor t’altaar der Vrijheid neder… (agenouillez-vous avec votre roi devant l’autel de la Liberté).