Aller au contenu

Page:Séverine - En marche…, 1896.pdf/12

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

abrutit, et qui use la corne de ses pieds, nocturnement, tout le long des rues, devant la méfiance des sergots, que voulez-vous que cela lui fasse, à celui-là, que X…, à la présidence du conseil, ait remplacé Y… ; que Z….., comme député, ait succédé à V… ? Ses pattes en sont-elles moins meurtries, sa chair moins gelée, son estomac moins creux ? Alors ?…

C’est une école de philosophie politique inconnue à nos hommes d’État que la conversation des misérables ; et, pourtant, ils en apprendraient là, en dix minutes, plus que dans toute une existence d’égotique admiration leur nombril, si béatement contemplé par eux-mêmes, n’étant point, quoi qu’ils en pensent, le centre de toute gravité, le pôle de toute sagesse, l’astre autour duquel évoluent les mondes !

Qu’il aille donc, M. le ministre de ceci ou M. le ministre de cela, passer une nuit en quelque refuge, modernisant ainsi l’expérience du bon calife Haroun-al-Raschild. (l en entendra de raides, de dures, inconsciemment dites par des simples qui ignoreront jusqu’à son nom. Les changements de portefeuilles ne les tracassent pas, ceux-là ils ne savent point, leur destin n’en est pas touché !

Je l’ai dit, il y a longtemps : l’homme qui n’a qu’un sou n’achète pas un journal, il achète du pain !

Mais sans même descendre si bas sur l’échelle de la détresse, en s’en tenant seulement au ménage ouvrier qui vivote au jour le jour, maigrement, péniblement, nos législateurs s’imaginent-ils qu’il lui reste quelque illusion ou quelque espoir ?

Remontons encore ; prenons le petit commerce, l’infime boutiquier, quiconque lutte contre la faillite, les protêts, les échéances, les cent mille misères du négoce non étayé d’énormes capitaux. Hé ! bien, en est-il un seul qui s’imagine voir sa peine finir parce qu’un oppor-