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Page:Séverine - En marche…, 1896.pdf/98

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EN MARCHE…

volver ; alla l’attendre à la station de Puteaux lui logea deux balles dans la tempe et la nuque ; envoya le restant de la charge à des gens qui s’interposaient. Était-ce l’amour, le fait de ce brutal, de cet ivrogne fieffé ?

Et, ici, le boulanger Watry, séparé aussi depuis deux ans, qui, pris d’une lubie, repart à la recherche de sa femme ; la rejoint ; et, pour la punir de s’être mise en ménage avec un autre, décoche également une demi-douzaine de projectiles soit à cet autre soit à elle ? La passion aussi, n’est-il pas vrai ?…

Enfin, celui-là, à Kergan, en Saint-Caradec, qui, sans ombre de motif, parce qu’il la soupçonnait d’être lasse de lui, se précipite sur sa misérable compagne ; lui déchire le corps avec ses dents ; lui fait plus de vingt-quatre morsures, si profondes qu’elle « n’était plus qu’un paquet de chairs sanglantes » et qu’elle rend le dernier soupir, le lendemain, au milieu des plus atroces souffrances — c’était évidemment l’amour qui l’avait enclin à ces vivacités ?


Non ! L’amour, la passion, s’ils s’égarent parmi les conventions sociales, demeurent à l’état d’infimes exceptions. On peut s’aimer, quoique mariés, certes… et bien tendrement ! Mais dès que la répulsion ou la haine s’en mêlent, il ne reste plus en présence, dans le mariage, qu’un maître et une esclave : celle-ci, la chose, le bien de celui-là !

Fureur d’amant ? Nenni ! Violence de proprio, que l’on lèse, que l’on frustre — et qui se venge !