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NOTES D’UNE FRONDEUSE

refuser, mais se retirer, était infliger indirectement un blâme au général ; et, héroïquement, Mermeix resta.

Comment voulez-vous donc qu’il ose reprocher aujourd’hui, à M. Boulanger, des faits qu’il connut alors et supporta sans mot dire ; des actes dont il profita ? C’est vilain de le penser ; c’est affreux de le prétendre !

On m’’objectera qu’il a baptisé le général la « Locomolive des décavés ». Je le sais bien, je le savais même avant tout le monde… Mais c’est propos de jeune homme léger, un peu pressé peut-être, et dont un écart de plume révèle l’intime préoccupation. De là à vendre les secrets du maître, à dénoncer tout un parti, à faire l’immonde besogne qu’accomplit l’X*** du Figaro, il y a loin !

Il faut compter aussi avec cette pudeur politique qui réglemente et échelonne la trahison, en marque les étapes, en espace les degrés. On ne retourne pas casaque si vite que cela, quand on a du flair et qu’on désire inspirer confiance au parti vainqueur.

Et puis, quel intérêt ?

L’argent ?… Mettons que le « rapport » de l’X*** soit payé dix mille francs ; croyez-vous donc que c’est pour cette pauvre somme qu’un garçon d’avenir consentirait à se déshonorer ?

La vengeance, alors ?… Mais le général, si volage parfois, envers ses plus fidèles, s’est toujours montré, envers Mermeix, particulièrement bienveillant ! Il a soldé ses dépenses électorales, l’a fait député, l’a accablé de missives affectueuses, de compliments, d’investitures de toutes sortes !…

Non, encore une fois, ce n’est pas, ce ne peut pas être Mermeix ! Il y a là, contre le jeune député boulangiste,