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NOTES D’UNE FRONDEUSE

pour mon malheur, la nature humaine, de voir qui se dérangera, qui sacrifiera quinze heures à l’idole de jadis, même par le temps superbe qu’il fait aujourd’hui.

Ils étaient trente-deux députés, au groupe boulangiste ; combien seront-ils tout à l’heure, derrière le convoi ?…

Susini, Théodore Cahu, Bois-Glavy, Antonin Louis, quelques fidèles des comités sont arrivés de la veille.

Et voici que le train en amène — quatre ! Ces quatre-là sont Déroulède, Millevoye, Castelin, et Dumonteil ; ils peuvent compter, à la Chambre, sur une jolie rentrée !

2 h. 45. À la maison mortuaire.

Dans le vestibule de l’hôtel du général, un défilé serré, compact, a lieu devant le catafalque. De main en main passe le goupillon trempé d’eau bénite, qui trace dans l’air le signe fraternel.

Certes, il y a de la curiosité dans cet empressement, mais souvent, aussi, de la sympathie. Des vieux, qui ont l’air d’anciens soldats, arborent l’œillet rouge et manient l’aspersoir comme un espadon. Des ouvrières apportent d’humbles bouquets : pour cinq sous de roses, pour deux sous de réséda.

Seulement, il vient trop de monde, et le proscrit veut éviter, avant tout, ce qui pourrait ressembler à une manifestation politique, autour des restes de celle que tant la politique fit souffrir.

Le signal est donné, on enlève la bière ; on la hisse sur un char empanaché, ensemencé d’étoiles — et le