Page:Séverine - Notes d'une frondeuse, 1894.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
116
NOTES D’UNE FRONDEUSE

Par une large baie, dont les portes ont été retirées et que drape, à l’italienne, une immense portière de peluche bleu de France, la vue s’étend dans une chambre de femme, encombrée de ces gentilles fanfreluches, de ces bibelots gracieux qui révèlent l’élégance et la joie.

Seul, entre les deux fenêtres, un Christ d’ivoire met une note sévère, un rappel à la futilité des bonheurs d’ici-bas. Et son regard douloureux tombe sur le cercueil !

Car il est Là, étendu sur le sol, au pied du lit. Autour, les cierges scintillent ; et il disparaît sous les fleurs amoncelées : roses, œillets, dans lesquels enfonce sa tête et ses poings un homme agenouillé, dont les plaintes sourdes retentissent comme les lamentations des blessés sur les champs de bataille…

Je redescends. La maison est pleine d’amis qui pleurent, et parlent de la défunte avec émotion et respect : mademoiselle Griffiths, la cousine du général ; M. et madame Dutens ; madame Lefèvre ; M. et madame Barbier, d’autres encore que j’oublie ou dont je ne sais pas les noms.

Sous la voûte, quand je passe, la besogne est presque finie. À la lueur des lanternes, j’aperçois, tout au fond, la croix blanche sur le drap couleur de ténèbres — qui tend les bras vers les hommes, : pour accueillir ; vers le ciel, pour implorer !

Dimanche, 1 h. 58.

J’ai tenu à être à l’arrivée du train de Paris. Car, si le général a reçu près de six cents lettres ou télégrammes, je suis curieuse, moi qui connais un peu,