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NOTES D’UNE FRONDEUSE

qu’elle en appelle une autre. Cette autre-là, on la mettra demain.

En savez-vous la teneur ? C’est l’abdication de toutes les vanités de ce monde, du titre acquis glorieusement, du nom célèbre d’un pôle à l’autre, au bénéfice d’un sentiment auquel il lui plaît de se livrer, nu et désarmé, comme l’enfant issu du ventre de sa mère — au profit de l’invincible, tyrannique, meurtrier amour !

Voici ce que le général Boulanger, ex-ministre de la guerre, en France ; ex-député de la Dordogne, du Nord, de la Somme, de la Charente, et de Paris ; qui faillit être Dictateur et fut l’idole des multitudes, veut que l’on grave sur le tombeau où il a rejoint son amie :

GEORGES
1837-1891
Ai-je bien pu vivre deux mois et demi sans toi ?

Une colonne brisée est posée au chevet de l’édifice, au sommet de la dalle ; et voici que j’ai, tout à coup, une personnelle, une touchante surprise. Le jour de l’enterrement de madame de Bonnemains, j’avais été frappée de ce détail que la plupart des couronnes étant en fleurs naturelles seraient fumier huit jours plus tard, et qu’il ne resterait que trois ou quatre bourrelets d’immortelles et de perles noires, un peu communs, à celle qui, si affinée, avait coutume de toutes les élégances.

Aussi, de retour à Paris, j’avais expédié là-bas une de ces merveilles de goût et d’ingéniosité qu’excelle à créer l’industrie parisienne : une couronne en marguerites de perles, touffue, feuillue, donnant à trois pas l’illusion de la réalité. J’avais été remerciée par une