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NOTES D’UNE FRONDEUSE

plus gaffeurs coryphées du boulangisme, représentait, dans le compte rendu d’une de ses visites, comme une sorte de petit Coblentz, nid de conspiration contre la République placé sous la sauvegarde de l’étranger.

« Les canons anglais, disait-il, qui, par dessus les toits, avancent vers le sud leurs gueules menaçantes, semblent protéger le Général patriote contre la haine française. » Jolie façon de faire de la propagande ! Habile manière de calmer les défiances ! Pourquoi pas souhaiter tout de suite, comme en 1815, le retour triomphal dans les fourgons des alliés ?…

De ces visiteurs-là, on a gardé mémoire ; et il faut entendre les récits que fait sur le compte de pas mal d’entre eux madame Moureaux, la très intelligente et toute aimable patronne du Pomme d’Or-Hôtel.

— Ah ! madame, le pauvre général, ce qu’il était mal entouré ! J’en ai vu défiler, ici, des intrigants, des gens qui ne venaient que par intérêt, pour de l’argent, ou pour qu’il les recommande aux électeurs !

Et elle précise, dit des noms, spécifie des faits ; établit la contre-partie des Coulisses ; dresse, en son langage de simple femme que la fourberie, que la lâcheté révoltent, un réquisitoire bien autrement intéressant, bien autrement documenté que celui de M. de Beaurepaire. Seulement, c’est l’entourage, cette fois, qui est sur la sellette, sauf de rares exceptions dont l’honorabilité demeure au-dessus de toute atteinte — et j’écoute, avec une secrète joie, les renégats, les accusateurs, accusés à leur tour.

J’assiste, en pensée, à cette curée : chacun essayant de tirer à soi son morceau, en une dernière entrevue, avant que de s’en retourner vers le continent, vers le nouveau chef ». On se faisait offrir, par celui que l’on