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NOTES D’UNE FRONDEUSE

côté, une effigie en relief : Saint Denis, patron de la capitale du boulangisme… et encore saint Georges !

Du regard, j’interroge madame Vannier.

— Oui, évidemment, fait-elle avec un sourire. Mais c’est par hasard. Il y a longtemps que le domaine est voué à ces bienheureux-là : mon fils s’appelle Georges, ma fille s’appelle Denise.

Pure coïncidence… mais que de coïncidences marquaient cette maison pour être l’étape dernière du roman prestigieux ! La fatalité trace aussi bien sa croix sur la poitrine des portes que sur le front des hommes.

Nous rentrons au salon. Après, toujours en enfilade, c’est la salle à manger, pas immense, un peu sévère, mais toujours d’un goût très sobre et très sûr. Puis une dernière pièce, dont la fenêtre en loggia touche au porche par où j’ai pénétré (nous avons fait en retour, à travers les appartements de réception, le chemin que j’avais fait, à l’aller, par le couloir de dégagement) c’est un bureau que madame de Bonnemains avait adopté pour y faire son courrier, y travailler un peu, quand sa santé le lui permettait.

Il s’y trouve une sorte de bahut à incrustations magnifiques, véritable chef-d’œuvre de l’industrie française, relique de l’Exposition de 1889, médaillée, primée, couronnée, etc., et qui vaut, comme on dit chez nous, « des argents fous ». Ça me laisse froide — je lui préfère de beaucoup ces deux petits vases à marguerites, où les doigts diaphanes de la condamnée glissaient les œillets envoyés ou apportés de France…

L’escalier, inondé de clarté par une baie vitrée sur la cour, large, garni, comme le couloir, de moquette rouge, et tendu de tapisseries, s’arrête au premier