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NOTES D’UNE FRONDEUSE

La palissade de droite est recouverte par : 1o Une tenture de lit debout, et une fenêtre en cretonne de Jouy, claire, à dessins légers et neutres : 2o Deux portières, une fenêtre, une tenture de lit debout, une fenêtre encore, en andrinople rouge, encadrée de bandes blanches où voltigent des fleurettes. Ceci garnissait la chambre à coucher de madame Boulanger mère — la chambre du premier étage où l’octogénaire buvait, le 1er octobre, au bon voyage de son fils ; reprochant aux amis la tristesse ambiante… alors que son « petit » reposait dans la pièce à côté, le cœur stagnant, la tempe trouée.

À la palissade de gauche, sont appliquées trois fenêtres de velours grenat, dont deux à crépines d’or.

— Hé ! quoi, c’est là tout ce luxe, le capitonnage de ce nid, le ouatage de cette Capoue ?

Mon Dieu, oui, c’est tout ! Le grenier de Jenny l’Ouvrière en avait moins, certes ; mais celui de M. Jules Simon en a, pour sûr, davantage. Accroché, harmonisé par le goût d’une femme délicate et élégante, cela constituait un somptueux trompe-l’œil. Décroché, enlevé aux contrastes, tripoté par des mains vulgaires, ce n’est plus qu’étoffes quelconques, très modeste cadre d’existence à peine aisée.

Et l’hôtel ! C’est maintenant qu’on en voit l’exiguïté ; en ne subissant pas l’impression d’agrandissement que devrait donner la disparition du contenant. Il n’y resta pas un clou ; et ma sensation d’il y a huit mois s’en augmente c’est une gentille demeure d’artiste de l’avenue de Villiers ou de la Villa-Saïd.

Mais que le voilà donc lugubre, ce logis jadis si fleuri ; ce théâtre du dernier naufrage, où rien ne bouge, rien ne palpite, rien ne bruit — que le brouhaha de cette foule indifférente, dont chaque vague, en se retirant,