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NOTES D’UNE FRONDEUSE

emporte un morceau de l’épave, fait davantage encore le vide et le néant !

De l’intérieur de la maison, l’on grimpe par quelques marches provisoires, à hauteur de la fenêtre du secrétariat donnant sur la cour ; et l’on en redescend par un semblable perron de planches, dans l’enceinte réservée aux vendeurs, derrière le comptoir dont j’ai précédemment parlé.

Là, se tiennent quelques privilégiés, des représentants de la presse locale, les envoyés des journaux de Paris. On commente un peu — pas trop, ce n’est que le premier jour l’absence des fidèles de l’ancien temps, des séides qu’a dispersés la fortune adverse, comme un coup de fusil tiré à poudre éparpille une volée de moineaux goinfres et capons. Pas un visage connu, dans l’auditoire ! Déroulède et Richard, sérieusement empêchés, se sont fait représenter par Zunc, le président des comités révisionnistes de Neuilly. Mais les autres ? Où sont-ils ? Où sont leurs mandataires ?

Çà et là, pourtant, des physionomies françaises surgissent. La plupart de ceux à qui elles appartiennent sont vêtus plus que modestement ; ont voyagé en troisièmes ; perchent le diable sait où ! Mais une ardeur incendie leurs prunelles, et l’œillet flambe aux revers râpés, comme le jour des obsèques de madame de Bonnemains, comme le jour des funérailles du Général ! Ce sont des gens des comités, des « quelconques » des dévoués, des inconnus ! Ils regardent, avec des yeux d’affamés, passer des choses chères que les blasés s’offrent par distraction ; ils éprouvent la réelle douleur que ressentaient les chrétiens d’autrefois, à