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NOTES D’UNE FRONDEUSE

rôle de cornac, je disais les noms : ils ajoutaient leurs réflexions. J’aurais donné lourd pour que les intéressés les entendissent ! Tout ce que la province a de bon sens, tout ce que Paris a de jugeotte, se traduisait en exclamations indignées.

Et quand le chahut parlementaire battait son plein ; quand les glapissements atteignaient leur maximum d’acuité ; quand les couvercles des pupîtres claquaient à tire-d’ailes ; que la représentation nationale semblait une troupe d’Hanlon-Lee atteinte d’épilepsie, une phrase unique résumait impression des contribuables :

— Et c’est pour ça que nous les payons !

Ce n’est pas tout à fait pour cela qu’on les paie ; mais ce qu’on peut affirmer sans crainte d’erreur, c’est qu’ils s’en sont payé « jusque-là », comme on chante dans la Vie parisienne.

Les voici gavés de scandales, truffés de parjures, saoûlés de vin en pot… Et, phénomène bizarre, c’est la France qui a la nausée, c’est le pays qui a l’indigestion !

Moi qui suis d’un naturel doux, je demande simplement que personne ne fasse obstacle, le jour où les électeurs voudront vraiment, — à quelques-uns — causer avec leurs chers élus,

Il y aura ce jour-là une bien jolie séance ! Quand elle sera terminée, on ramassera les morceaux, et, si l’on veut écouter ma faible voix, on fera de la maison du coin du quai un asile de retraite pour les électeurs indigents.

La Sainte-Méline du suffrage universel !