Page:Séverine - Notes d'une frondeuse, 1894.djvu/252

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Partout, mêmes aventures, mêmes scandales, même dilapidation des deniers publics ; même vol éhonté de l’épargne des petites gens ! À l’ombre du trône, des fonctionnaires pillent, grapillent ; en République, les monarques en personne mettent la main à l’ouvrage — et dans la poche des gogos !

Partout, même malaise, à des degrés différents ; même sensation de catastrophe prochaine ; même gloutonnerie à avaler les dernières bouchées, à lamper le dernier verre, à savourer les dernières joies…

On ne se prépare pas à finir joliment, avec grâce, avec chic ; comme les philosophes de toutes époques ; comme les païens couronnés de roses, comme les aristos coiffés en poudre — on s’y rue, on s’y vautre, tels pourceaux vers l’auge !

Tout le monde en veut, du veau et de la salade, au banquet parlementaire ! Et des trocs s’établissent entre ceux qui en ont beaucoup et ceux qui n’en ont pas : le droit d’aînesse, à eux confié par les gueux, est encore une fois cédé, pour un tendon, pour un trognon !

Au dehors, les frustrés attendent… Et le Mane, Thecel, Pharès flamboie aux vitres de la salle !

Oui, vraiment, ceux qui se sont vendus se sont vendus pour pas cher ! Ce serait à dégoûter de l’honnêteté que voir à quel taux on l’évalue ; et qu’en politique, comme en galanterie, le premier faux pas est presque toujours gratuit — ou peu s’en faut !

Les belles canailles seules, les avouées, les reconnues, les célèbres, ont touché la forte somme ; et aussi, dit-on, quelques vestales, si âgées, si austères,