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NOTES D’UNE FRONDEUSE

bonne enfant. On m’a raconté que les gros actionnaires de là-bas auraient bien aimé rincer avec du plomb les gueules noires ; qu’ils auraient volontiers ferré d’or le cheval de celui qui leur aurait payé cette joie. Ils ont raté leur coup — et vous, votre fortune ! Si c’est vrai, c’est bien… vous avez commencé à payer la dette de 1871.

Mais je m’attarde, et je veux en arriver à vous dire ceci :

Si jamais, mon général, la fantaisie vous prenait de fiche la Chambre à l’eau, ne vous gênez pas pour les socialistes — les socialistes ne vous gêneront pas. J’ai même idée que le peuple rigolera ferme, et que la Ligue des Anti-Propriétaires vous donnera un coup de main… pour peu que le cœur vous en dise.

On s’expliquera après, voilà tout.

Car j’ai une théorie bizarre, qui peut déplaire à première vue, mais qui, à la réflexion, a vraiment du bon. Dans les tirs de foire, je préfère l’unique lapin de plâtre — joie et orgueil de l’établissement — plus facile à jeter bas, parce qu’il est plus « conséquent » ; plus flatteur aussi, parce que la galerie s’enthousiasme davantage ; je préfère cette grosse pièce-là aux centaines de misérables petites pipes, difficiles à viser, peu glorieuses à atteindre.

Ils sont, au Palais-Bourbon, cinq cents glaireux, qui collent aux doigts et seraient le diable à dégluer. Tandis qu’un seul homme…

Soyez Le lapin, mon général !