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NOTES D’UNE FRONDEUSE

plus de vêtements, plus de pain… demain elles n’auront plus de gîte !

Timidement, la mère Calvet, dont les larmes ruissellent, me tend un papier.

« Le général soussigné, qui a commandé le 1er zouaves, de 1859 à 1863, régiment dans lequel madame Calvet était le modèle des cantinières par son courage, son dévouement aux blessés et son désintéressement les jours de bataille, a été très heureux de lui faire rendre justice en la faisant décorer de la médaille militaire.

» Il a appris indirectement qu’après la Commune, elle est allée, par dévouement, dans la Nouvelle-Calédonie, où elle a adopté deux petites filles. Cette belle action ne l’a pas étonné, de la part d’une femme qui a toujours fait preuve d’un excellent cœur.

» Général Brincourt,
Grand-croix de la Légion d’honneur.
130, rue de Rennes.
» Paris, le 4 décembre 1891. »

Sur la poitrine, secouée de sanglots, les médailles, les innombrables médailles, tintent un léger glas. Les mains tremblent, qui cachent la rougeur survenue… N’est-il pas honteux que ces mains d’héroïne, qui ont combattu pour la France ; qui ont pansé les blessés ; qui ont ramassé l’arme échappée aux agonies défaillantes, qui ont maintenu haut et ferme, dans les mêlées lointaines, le drapeau du pays, en soient là — de se tendre vers la pitié ?

Oh ! Patrie !…


En suite de cette biographie le public envoya 1,717 fr. 25 pour la mère Calvet ; dont 1,190 fr. 50 : « Du 1er zouaves à son ancienne cantinière. »