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NOTES D’UNE FRONDEUSE

l’art qui vous honore… vous êtes, ô Le Hérissé, le Décius de la gaîté française !

Seulement, je crois peu au succès,

Comme dans la complainte de Marlborough, il faudra attendre Pâques, sinon la Trinité ; s’en référer aux calendes grecques ; compter sur la semaine des quatre jeudis ! Déjà, à distance, l’impression me paraît avoir été plutôt fraîche, lorsque vous avez déposé votre projet — ce que je regrette de ne m’être pas trouvée là ! Maintenant, mon bon ami, permettez-moi de vous le dire, dans les considérants, vous dépassez la mesure. Il est permis de railler les gens, mais sans outrance ; et, à accentuer ainsi, vous risquiez que vos intentions fussent prises au sérieux.

Car les motifs de votre proposition, moins imprévus, moins nets, que l’idée-mère, sont d’une intensité supérieure… pour qui sait lire entre les lignes. Oh ! vous avez bienfait les choses ! Robespierre, Prugnon, l’Assemblée nationale, « nos pères, ces géants », tout y est ! Vous avez compilé les textes, pioché les discours, multiplié les citations.

Si bien que quelqu’un pas au courant, je le répète, pourrait croire à de la candeur ; admettre que vous avez espéré provoquer — chez les cinq cent soixante-dix-neuf parlementaires que l’on sait ! — un élan d’enthousiasme, une immolation volontaire sur l’autel de la Patrie.

Ceci vous ferait du tort ; la naïveté ayant ses bornes. Et il vaut bien mieux qu’on se rende compte quel Roger Bontemps vous êtes ; avec une propension évidente à la farce cruelle. Car je m’imagine aisément la tête de vos collègues, tandis que, moustache à l’évent,