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NOTES D’UNE FRONDEUSE

dité, la maintenant, l’exagérant, au contraire, en ce qui favorise ses calculs ou ses intérêts.

Les quelques types pittoresques qui flânent sous la coupole législative, y entrèrent par hasard, par miracle ; un jour de pluie, comme au bureau d’omnibus ; ou parce qu’une erreur d’adresse les revêtit d’inviolabilité, les sacra représentants du peuple souverain.

Ceux-là peuvent partir sans regret ; ils ont bu au hanap de la popularité à larges goulées, jeté le désordre dans la solennelle enceinte… ils s’en sont payé pour l’argent dépensé contre eux !

Quoi que l’avenir leur réserve, ils emporteront, de « ce qu’on est convenu d’appeler les travaux parlementaires » (le mot est de M. Andrieux), un allègre souvenir.

Moi, je vous revois toujours à l’angle de la rue Royale, un soir de tumulte, à l’issue d’une interpellation particulièrement orageuse. On vous avait empoignés trois ou quatre, « marchant » sur la Madeleine ; et l’on vous ramenait, insigne à la boutonnière, écharpe au nombril, beaux comme les premiers martyrs chrétiens, en appelant au peuple.

Certains même, je dois l’avouer, étaient un peu ridicules, pontifiant du fond de leur barbe, outrant le tragique de la situation. On ne voyait plus l’obélisque — Déroulède était devant. Tout l’effort des assaillants s’était concentré à le séparer du groupe ; et, de loin, ses gestes révoltés semblaient les signaux de quelque sémaphore en détresse.

Vous, il me faut vous rendre cette justice, vous portiez votre auréole sur l’oreille, en même temps que l’accordéon de feutre qui avait été votre chapeau. Et vous rigoliez ferme, passez-moi le mot !

Quand le cortège défila devant moi, plusieurs m’in-