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NOTES D’UNE FRONDEUSE

venait tout le mal ; brebis galeuse fourvoyée par mégarde dans la santé florissante du troupeau !

Et les magistrats se penchent, sévères, interpellent le prévenu :

— Car non seulement vous avez commis tels méfaits ; mais encore vous vous êtes permis de calomnier d’honnêtes gens ! Où sont les preuves de vos dires ? Sur quoi appuyez-vous vos accusations ?

L’autre ne pipe mot, ahuri de ce toupet chez des personnes généralement très chauves. Il réplique rarement : « Mais on m’a tout pris ! », pensant se concilier, par cette réserve, l’indulgence de la Cour… Et la vertu triomphe sur toute la ligne !

Tel est le scénario qu’on voudrait rééditer pour Arton ; soit qu’on l’ait désarmé, soit qu’on le croie désarmé. J’avoue n’être pas dupe de ces ingénieuses combinaisons ; et que les comédies de répression destinées à masquer l’impunité scandaleuse des plus coupables me semblent dignes de susciter, au plus, une douce pitié.

Compères à compagnons, les brasseurs d’affaires publiques ou privées s’entendent comme larrons en foire, avant ; s’entendent comme le sac et la corde, après ; même s’ils se chamaillent pour la frime, manquent à la foi jurée — leur foi jurée ! — et se jouent les pires tours !

C’est bisbilles de la Cour des Miracles, querelles tendres entre Bertrand et Macaire, auxquelles, seuls, les godiches sont pris !

Voilà pour la portée du fait… avouez qu’elle est mince, et que la vindicte nationale ne gagnera pas gros à ce qu’Arton s’en aille fabriquer des yeux de