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NOTES D’UNE FRONDEUSE

l’estime de leurs concitoyens, et plus faibles devant un chèque que gamin devant une tartine ou fillette devant un bijou ?

La tentation ? Vous nous la baillez bonne ! Voyez-vous ces marmousets de trente à quatre-vingts ans qui ont besoin d’être protégés ; qu’on réconforte leur probité chancelante ; qu’on étaie leur intégrité menacée ; qu’on les gare de la convoitise !

C’est simplement piteux !

Tandis que, jusqu’ici, le beau rôle reste à Arton : 1o parce que son « exécution », fort peu d’utilité publique, serait pure simagrée, éhontée parodie ; 2o parce que, au contraire de ceux qui lui furent clients, il acheta, ne vendit point ; 3o parce qu’il fut gai !

Si Cornélius Herz (avec son nom en « atchi ! » de cymbale ; ses allures d’empirique ; sa fortune mystérieuse ; les aventures tragiques et inquiétantes qui ont sillonné sa vie) rappelle furieusement Cagliostro — une fin de siècle en vaut une autre ! — Arton, lui, apparaît comme une sorte de Rocambole farceur, noceur ; se complaisant à ce rôle de puissant dissolvant ; y trouvant joie en même temps que profit !

Le singulier homme ! Tout a été dit sur son compte, depuis un mois, et je n’ai pas envie de ressasser de vieilles histoires. Mais je ne puis m’empêcher de songer à l’impression complexe que, de prime abord, il me produisit.

C’était dans une des maisons les plus correctes de Paris : une de celles où l’on fait d’excellente musique. Arton, qui somnolait dans un fauteuil, les yeux grands