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NOTES D’UNE FRONDEUSE

sais trop, et serais bien embarrassée de le préciser. Seulement, la formule : « Il ne l’emportera pas en paradis ! » que décochent les vieilles hochant le menton, vaut cette justice immanente qu’évoquait Gambetta, et qui vient à son heure, toujours.

Plus tôt, plus tard, qu’importe ! Elle s’avance, sachez-le bien, dans le tumulte ou le silence ; et, comme aux temps antiques, c’est souvent en ciel serein que la foudre gronde, éclate — et frappe !

Voyez celui-ci. Jamais homme ne fut, plus justement, haï des multitudes. Cependant, par la lâcheté des uns ; les fautes des autres ; l’incapacité de tous ; son tour d’ombre accompli, il réapparaît à la lumière. Il est le second de la nation ; préside au conseil des sages. Et si Brennus revenait, c’est cette barbe auguste qu’il lui faudrait tirer, avant que de jeter, dans la balance, le glaive vainqueur.

Il parle d’ostracisme ; évoque l’ombre d’Aristide ; philosophe ; et triomphe. On le caricature, on l’encense, on le discute, on l’applaudit…

Rien ne manque à sa gloire ; il manquait à la nôtre !

— Pardon ! fait Celle qu’on n’attend pas.

Et elle l’emporte dans son suaire, roulé comme un fœtus !

Des hommages ? Certes… à sa valeur et tant qu’on en voudra ! Saluer ainsi que délivrances certaines disparitions, ce n’est pas faire acte de cruauté ou d’irrévérence — c’est reconnaître, au contraire, et très hautement, et très loyalement, le poids de l’adversaire,