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NOTES D’UNE FRONDEUSE

perdu en son rêve, lapidé, acclamé… insensible et sourd !

Mais, si ses ambitions ne furent point vulgaires, elles furent, dès l’origine, frappées de stérilité ; car toujours elles allèrent à l’encontre de l’instinct public.

Il avait, ce robuste, épais, lourd, le mépris des sentimentalités où s’attarde l’âme française. Et ces petites fleurs bleues firent tessons sous ses épaisses semelles ; les trouèrent ; les déchiquetèrent — lui firent un chemin de croix tel que peu de politiciens en suivirent un pareil !

Or nulle Véronique ne lui tendit son voile ; nul Siméon ne l’assista de son effort ! C’est que ses paroles étaient des blasphèmes ; c’est que ses gestes étaient des outrages ; c’est qu’il promenait, sous la croix et les épines, une face de Barrabas !

Tenez, tandis que j’écris, là, en presse-papier, sur ma table, est un morceau de pain du siège. Et je me rappelle ( encore sous la neige, les obus, par 26 degrés de froid, aux queues des boulangeries) la rumeur qui montait contre le maire de Paris : « Ferry-Famine ! »

Après le 22 janvier, on dit couramment « Ferry-Massacre »…

On le trouve contre Gambetta, on le trouve contre Boulanger ; contre tous ceux qui ranimaient l’espérance vacillante au cœur des foules ; contre tous ceux qu’on aimait ; contre tous ceux qui tendaient le poing vers l’Est, en un fier geste de menace.

Plus tard, il tente d’arracher Dieu du ciel ; et l’espoir du cœur des déshérités. Il use ses ongles contre les clous du Christ inoffensif ; il fait abattre des calvaires au fond des landes mélancoliques ; il fait traîner